mercredi 25 juin 2014

Matoub Lounes: Un homme d’exception pour la Kabylie et pour l’Algérie


A l’occasion du 16e anniversaire de l’assassinat de Lounes Matoub, nous publions ci dessus cet article signé par Mourad Hammami publié dans le journal La Dépêche de Kabylie du 24 juin 2005.
Matoub est un Jugurtha, un Takfarinas ou un Massinissa, qui a atterri sur la terre berbère au XXe siècle, sa venue est une mission, qui a pour objectif de sauver in extremis ou de ressusciter une culture, une langue une civilisation et un peuple plusieurs fois millénaire, que des circonstances injustes menaçaient d’extermination. Mon nom est combat, tel est le titre donné par Yella Seddiki à son œuvre consacrée à Matoub, édité en 2003.
En effet, le nom de Matoub, ainsi que sa vie tout entière est synonyme de combat. Matoub était bien conscient de la dimension de son destin comme on peut le constater dans sa chanson composée en 1983 sous le titre Ma patrie ou A tamurt-iw
J’ai consulté ma raison
Je forme mon châtiment
Si ma langue est bien pendue
Dites s’il faut y coudre des ourlets
Ma patrieBerceau de mon enfance
Pourquoi suis-je né ?
Puisque je suis né Kabyle
Mon nom est combat
Et si l’union s’émousse
Je l’aiguiserai ;
Ô mon peuple
Des sueurs de mon cerveau
Je t’enduirai
Sept ans après, les circonstance de son assassinat demeurent floues et indéterminées, Matoub pouvait être assassiné par les partisans de l’intégrisme, comme il pouvait être victime d’un complot politique. Une chose est sûre, le Rebelle dérangeait tout le monde, y compris ses propres frères. Matoub est de ceux qui ne peuvent être d’accord, même avec eux-mêmes, lorsque leur raison, voit les choses contraires à leur passion.
Il était de tout temps, un turbulent, un jaloux, un homme qui ne se laisse pas faire, un être prêt à se sacrifier dix fois par jour pour ce qu’il voit juste. Il était un combattant, un rebelle, un Amazigh, au sens le plus large du terme.Tous les pays du monde, tous les peuples de la planète, souhaiteraient avoir un Matoub propre à eux, et qui reviendra tout le temps.En 42 ans de vie, en 20 ans de chant, Lounès a rétabli l’ordre parmi son peuple et sa patrie. Il a su redonner vie à tamazgha, fierté et courage, à ses compatriotes. Il était le porte-parole des pauvres “Skud vrarhent walaiw asnezwiragh imeghven” “Tant que je suis vivant, je serai aux premiers rangs avec les pauvres” chantait le Rebelle en 1991, dans “Le Regard sur l’histoire d’un pays damné.
”Matoub a été lâchement assassiné, mais il est mort comme il l’a toujours souhaité, pour ses idées et en plein feu de l’action mourir ainsi, c’est vivre. Il est né Amazigh, il a vécu Amazigh, et il est mort Amazigh. Ce Che Guevara kabyle a tout donné. Il a secoué les siècles, il a remué le magma de l’histoire qu’on a voulu falsifié dans la foulée des idéologies artificielles. Matoub a su dire non, et son nom a retenti terriblement.
“Segmiw urts faken Lahdur
Elama srugh Laârur
Iqemdhen E sut
Ad Tleqimagh lehdur
Alama yessen waqrur
dachu teswa tmurt”
“De ma bouche, la parole ne s’éteindra pas
jusqu’à ce que pleurent les scélérats
Qui étouffent ma voix
Je ferai les boutures du verbe
jusqu’à ce que l’enfant même mesure
Le prix de notre patrie”,
chantait et promettait Matoub à ses détracteurs au lendemain, où il a été fusillé injustement par un zélateur agent du système.
“En l’assassinant, ils croyaient le faire taire à jamais, finalement ils se sont énormément trompés.Sa mort est une renaissance”, nous dit Hakim, un jeune admirateur de Lounès. Ils ont tué un Matoub, cet assassinat a donné naissance à des millions d’autres Matoub. “Nous sommes tous des Matoub”.“Ô Lounès nous sommes toujours des Amazighs” clamaient, au cœur du brasier, les jeunes révoltés du Printemps 2001.
Son assassinat est une erreur pour ses bourreaux. Ils savent aujourd’hui qu’il leur aurait fait peut-être moins de dégâts en le laissant en vie“Ma darsas ig neqenAkli u mutgh-ara”“Mazal e sutiw adyebaâzakAs deslen”“Nous sommes des enfants de Matoub, même s’ils nous tuent, ils ne peuvent pas nous exterminer”, disait Djamel, dit Djino à sa vieille mère quelques heures avant son atroce assassinat par des gendarmes à Tigzirt, en avril 2002.Comme Djino, ce jeune de 16 ans, d’autres jeunes ont trouvé la mort héroïquement à la Matoubéenne”.
Matoub incarne une dimension que ces quelques lignes ne peuvent pas décrire. Il est une exception de par son courage, son intelligence, la force de son verbe, la sincérité de son engagement, le courage de sa voix, sa jalousie, son esprit de sacrifice… Chante Matoub chante.Ils ne peuvent pas assassiner un homme de ta dimension.
Mourad Hammami

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