Ce qu'on ne peut pas dire sur l'islamisme, par Paul Berman
Dans cet article du Wall Street Journal, Paul Berman parle des intellectuels américains qui refusent de faire face au passé nazi des islamistes.
Mr Berman est écrivain, en résidence à l'université de New York. Son ouvrage le plus récent est « The Flight of the Intellectuals » (La fuite des intellectuels) (Melville, 2010).
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Dans cet « Âge des bouches cousues » que nous vivons, nous sommes censés éviter de formuler aucune des déplaisantes observations qui suivent à propos de l'histoire et des doctrines du mouvement islamiste :
Nous n'avons pas le droit de noter que l'islamisme est une tendance politique moderne, et non pas ancienne, qui est née dans un esprit d'harmonie fraternelle avec les fascismes européens dans les années 1930 et 1940.
Et nous n'avons pas le droit de dire qu'en poussant toute une foule de journalistes et d'intellectuels à observer un silence discret et respectueux sur ces sujets délicats, les prêcheurs et idéologues islamistes ont réussi à nous imposer leurs propres catégories d'analyse.
En tout cas, c'est ce que j'ai écrit dans mon récent livre « The flight of the intellectuals » (La fuite des intellectuels). Mais ai-je raison ? Je lis avec plaisir certaines critiques très négatives, convaincu que les pires constituent la meilleure des confirmations de ce que j'avance.
Personne ne conteste que les nazis aient collaboré avec plusieurs leaders islamistes. Amin al-Husseini, le mufti de Jérusalem, s'est adressé au Moyen-Orient sur Radio Berlin. Son plus puissant appui dans la région était Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans. Al-Banna, lui aussi, disait du bien de Hitler. Mais il n'existe pas de consensus quant à la manière d'interpréter ces anciennes alliances et leurs conséquences actuelles.
Tariq Ramadan, le philosophe islamique d'Oxford, est le petit-fils de Banna, et il explique que son grand-père était un grand démocrate. Selon l'interprétation de Mr Ramadan, tout ce que les islamistes ont fait dans le passé doit être regardé avec sympathie, en tenant compte de ce qu'il appelle le « contexte », comme l'expression logique de rapports géopolitiques anticolonialistes, et rien de plus. Les principales critiques de mon livre, celles parues dans Foreign Affairs, dans National Interest et dans le New Yorker, viennent d'apporter des variations sur l'interprétation de Mr Ramadan.
L'article du Foreign Affairs prétend que, pour le mufti de Jérusalem, Hitler n'était rien de plus qu'un « allié commode », et qu'il est « absurde » d'imaginer une alliance plus approfondie. Ceux du National Interest et du New Yorker ajoutent que, pour formuler les choses comme ce dernier, « des alliances improbables » avec les nazis étaient courantes parmi les anticolonialistes.

Les articles évoquent certains des compagnons de Gandhi, une faction de l'IRA (Irish republican army), et même un militant sioniste solitaire et stupide qui, en 1940, avait cru un moment que Hitler pourrait être un allié contre les Britanniques. Mais ces diverses tentatives pour minimiser la signification de l'alliance entre islamistes et nazis passent sous silence une montagne de documents, dont certains découverts l'an dernier dans les archives du département d'État par l'historien Jeffrey Herf, qui révèlent des liens authentiquement profonds.
« Tuez les juifs partout où vous les trouvez. Cela plaît à Allah, à l'histoire et à la religion », disait le mufti de Jérusalem sur Radio Berlin en 1944. Et la rhétorique du mufti se poursuit, reprise aujourd'hui en écho dans les grands manifestes islamistes comme la charte du Hamas et la populaire émission télévisée de Sheikh Yusuf al-Qaradawi, un savant révéré aux yeux de Tariq Ramadan : « Oh Allah, compte-les et tue-les jusqu'au dernier ». Foreign Affairs, le National Interest et le New Yorker ont consacré près de 12 000 mots à critiquer « La fuite des intellectuels ». Et pourtant, bien que le livre s'appuie sur toute une série de citations génocidaires de ce type, pas un de ces journaux n'a trouvé la place nécessaire pour en reproduire une seule.
Et pourquoi donc ? Parce que quelques citations hitlériennes par des leaders islamistes mettraient en évidence le ridicule de tout le reste des essais publiés par ces magazines - et en particulier des arguments avancés dans la critique du Foreign Affairs, selon laquelle Qaradawi doit être perçu comme un champion du « centrisme » bénéficiant de la faveur populaire, et pour qui le Hamas mérite d'être félicité en tant que mouvement « modéré » et « pare-feu contre la radicalisation ».
Mais tout cela suinte la mauvaise foi. Mme Hirsi Ali est l'une des ennemies du mouvement islamiste les plus éloquentes du monde. Elle fait tout pour cibler l'antisémitisme islamiste. Et les antisémites l'ont ciblée en réaction.

Telle est l'humeur de notre temps. Certains intellectuels sont incontestablement en fuite, prompts à ricaner des musulmans progressistes au franc parler et réticents à dire la vérité sur la réalité de l'islamisme.
Source : What You Can’t Say About Islamism, Wall Street Journal (abonnés), Traduction par Hachebé pour Poste de veille

