mercredi 20 août 2014


Dossiers Mercredi, 20 Août 2014 09:50 Facebook Imprimer Envoyer Réagir

Il est le principal architecte du Congrès de la Soummam

Abane revient cette semaine

Par : Karim Kebir
Aujourd’hui encore à l’occasion de la célébration du Congrès de la Soummam, une date charnière de l’histoire du pays à laquelle le nom d’Abane Ramdane est intimement lié, on ne devrait pas s’attendre à des festivités fastueuses de la part des autorités officielles.

Les uns le surnomment le “Jean Moulin algérien”, les autres “l’architecte de la Révolution”, lorsque d’autres encore, notamment ses farouches détracteurs, le qualifient tantôt de “régionaliste”, “d’autoritariste”, tantôt de “traître” ou “d’agent de l’ennemi”. Parmi tous les personnages de la Révolution, Abane Ramdane restera sans aucun doute celui qui suscite le plus d’admiration, mais aussi de controverse. C’est que l’homme, comme tous les héros de l’histoire, a eu un destin exceptionnel.
Parmi les plus doués de sa génération, il a réussi, notamment après le Congrès de la Soummam organisé à Ifri-Ouzellaguene, dont il a été l’un des principaux initiateurs et dont nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire, à fixer les objectifs stratégiques de la Révolution, à la structurer, à lui donner une visibilité et des repères d’orientation qui ont conduit à l’Indépendance. Mieux encore, il a jeté les fondements de ce que devait être l’Algérie indépendante : une Algérie moderne, démocratique, pluraliste, sociale, où le politique prime sur le militaire.
Soit l’exact contraire de ce qui a été mis en place depuis l’Indépendance à nos jours. “Abane Ramdane a eu le mérite d’organiser rationnellement notre insurrection en lui donnant l’homogénéité, la coordination et les assises populaires qui lui étaient nécessaires et qui ont assuré la victoire”, écrit de lui, dans L’indépendance confisquée, Ferhat Abbas, le premier président du GPRA, une autre figure historique brillante, bannie comme lui de l’histoire officielle. “J’ai connu pas mal d’intellectuels, mais Abane Ramdane était remarquablement intelligent. C’était, en outre, un homme simple, d’une sincérité absolue. Il n’aimait ni s’habiller ni avoir de l’argent. La seule chose qui lui importât était l’unité nationale. Il était décidé à l’obtenir par tous les moyens. Et c’est cela qui a choqué beaucoup de militants. Il était violent, brutal, radical et expéditif dans ses décisions”, témoigne de son côté l’un de ses compagnons, Omar Ouamrane. Plusieurs décennies après son exécution par les siens au Maroc, une élimination encore entourée de tabous, son cadavre hante le pays.
L’Algérie officielle a du mal à lui rendre l’hommage qu’il mérite, encore moins à consacrer le message de la Soummam comme un référent pour la construction d’une Algérie telle qu’il la voulait lui et d’autres martyrs, à l’image de Ben M’hidi. Presque banni des manuels scolaires, comme du reste de l’histoire de la Révolution, il n’est évoqué que dans le nom de quelques ruelles, établissements scolaires, ou encore l’aéroport de Béjaïa. Pourquoi l’homme dérange-t-il encore ? L’ancien défunt, chef de l’État, Ali Kafi, l’a même traité de “traître” dans ses mémoires, tandis que l’ex-président Ben Bella n’a jamais dissimulé son aversion pour lui jusqu’à sa mort. Aujourd’hui encore à l’occasion de la célébration du Congrès de la Soummam, une date charnière de l’histoire du pays à laquelle le nom d’Abane Ramdane est intimement lié, on ne devrait pas s’attendre à des festivités fastueuses de la part des autorités officielles. Comme souvent, on aura probablement droit à un simple rituel folklorique, à travers un dépôt de gerbe de fleurs sur les lieux du déroulement des premières assises de la Révolution, ou encore on aura droit au traditionnel message du chef de l’État. C’est plutôt l’opposition démocratique, le RCD et le FFS, qui tente de maintenir la flamme du message de la Soummam, à travers l’organisation d’un séminaire, pour l’un, et un meeting populaire, pour l’autre. En occultant un événement majeur de la Révolution, en refusant d’assumer l’histoire, l’Algérie officielle tourne le dos à ce qui devait être un référent fondamental pour la construction et la consolidation de la nation. Elle handicape l’émancipation du pays. Il faut dire qu’explorer le message de la Soummam, c’est ouvrir la boîte de Pandore qui pourrait déconstruire l’édifice du régime tel qu’il a été érigé, remettre en cause bien des idéologies, des positions et des acquis. Cela pourrait aussi révéler les facettes les plus sombres de l’histoire. Mais n’est-il pas temps pour l’Algérie, plus de cinquante après l’Indépendance, d’assumer son histoire ? Toute son histoire. Pour le bien des générations futures.

K. K