vendredi 18 mai 2012

Le printemps des homo kabilis | KabyleUniversel.com

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Le printemps des homo kabilis

April 23, 2011
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Homo habilis


L’homo habilis qui signifie l’homme habile ou  handy man (homme bricoleur) comme disent les « anglos »  est une espèce du genre homo qui a existé en Afrique du nord il y’a environ 2 millions d’années. Il était contemporain des plus vieilles  industries de la pierre taillée. N’ayant pas trés évolué dans ce business, il a du se consacrer à la bipédie jusqu’ à parvenir à être l’un des premiers du genre homo à se mettre debout. Son descendant lointain, l’homo Kabilis, vit, lui, aussi, en Afrique du nord qu’il ne semble jamais avoir quittée ; il a par contre perdu l’habileté de son ancêtre à transformer  son environnement accidenté,  mais  en revanche, il a pu, pour survivre, par sa technique du bricolage politique, bricoler des outils rudimentaires  tout juste bons à  casser des noix sur la tête de ses compagnons de route. La bipédie, résultant de l’effort entêté de  son ancêtre à se maintenir debout, lui est parvenue sous le slogan cher aux Kabyles contemporains sous le code génétique d’ ” An narrez wala an neknou (être brisés mais sans courber). D’où, probablement, notre survivance ,quelque peu, contre-nature aux différentes tempêtes  de l’histoire.

Cette année comme chaque année ou presque, le RCD et Le MAK ont marché pour le même but mais en sens inverses sur des trottoirs parallèles  que leurs querelles entretenues empêchent de se rencontrer, tournant de leur mieux le dos l’un à l’autre, fierté kabyle oblige. Le premier qui cède au programme de l’autre se considerera comme un perdant.Il est atteint de ce qu’on peut appeler dans le jargon de l’homo kabilis, le défaut de NIF propre aux hommes qui esquivent  les coups par manque de courage de les intercepter avec  leurs poitrines nues. Comme dans les cultures accrochées à leur matrice primitive, quand on va à l’encontre de son NIF c’est la FIN.  Quand le nez , l’organe de la dignité et de l’honneur faillit, la moustache qui se trouve  sous sa protection n’a plus le droit de cité du fait qu’elle ne peut plus  porter le symbole de la sacro sainte virilité masculine pour laquelle elle est designee. Le FFS lui ne marche pas ou marche à contrecoeur.  Nos  Avril 80 et 2001 s’étant faits sans Ait Ahmed, ils n’ont donc pas le droit à l’histoire.

Dans les annees 80, on avait assisté à une petite histoire  typiquement kabilis , qui illustre un peu  notre entêtement, source probable, parmi d’autres, de notre  inaptitude à former une republique. Après l’ouverture du champ politique  de 1988, Ait Ahmed rentre au pays suite à un exil forcé qui a duré plus de 2 décennies. C’était au grand bonheur d’une Kabylie qui le reçoit à bras ouverts. La commune d’Ait Yenni, si ma mémoire est bonne prend la louable initiative  d’organiser une fête ou une ceremonie à coups de couscous et de  viande à gogo pour tenter de réconcilier, autour d’un festin populaire, ses deux chefs historiques en l’occurrence Ait Ahmed du FFS1 et Yaha du FFS2 qui ont cessé de se parler pour quelque raison, de quelque nature, depuis belle lurette. Comme l’absence, dit-on,  est un remède à la haine, ces 2 chefs qui ne se sont pas revus depuis longtemps, devaient normalement se réconcilier sans problèmes.

La nouvelle se propage à la vitesse de la liberté de la presse. Beaucoup de gens se ruent de partout, qui pour le couscous, qui pour la cause, qui pour l’ambiance, qui pour un peu de chaque. A la fin du festin, tout le monde en a eu pour son déplacement à l’exception de ceux  de la cause elle-même, qui  sont rentrés chez-eux, bredouilles. En effet la querelle ou la rancoeur entre nos 2 chefs historiques s’était débrouillée pour puiser dans une culture propice à la cristallisation, ses éléments cristallisants  pour se cristalliser au point de s’avérer  insoluble dans ces solvants traditionnellement  très efficaces, en l’occurrence  l’allégresse et la joie collective.

Dommage, l’esprit de rancoeur a eu raison de l’esprit de fête. A ce jour, je ne cesse de me demander la nature et la taille de cette pomme de  discorde qui  a mis dans l’impossibilité de se réconcilier  nos deux chefs historiques. Elle doit être ni verte ni mûre et aussi interdite que celle qui nous a exclus, à travers notre ancêtre Adam, définitivement du paradis, à destination de l’enfer terrestre où les forces de la pesanteur aident les gens à descendre plutôt qu’ à monter et où, apparemment, la légèreté des hommes est la seule chose dans ce monde à échapper à la loi de la gravité. Dans notre tempérament kabyle aussi inaccessible que notre relief, celui qui cède le premier à la rupture de la querelle sera désigné comme un dégonflé qui a perdu le souffle par défaut  de NIF. Le même cas, à Tlemcen, aurait  plus de chance  d’être  interprété  comme doté d’un cœur plus blanc (Qalbou biadh). De toute façon, il est généralement admis, de notoriété publique algérienne, qu’il est préférable  d’avoir à faire à un tlemcenien qu’à un Kabyle  dans les affaires discordantes.

Si « impossible » n’est pas français, « ’inconciliable » serait- il berbère ? Une chose est sûre, pour nos 2 hommes, c’est que ,quelles que soient les raisons  de leur querelle, elles  ne peuvent  en aucun cas être aussi justifiées que celles qui ont conduit à la bagarre  entre  Boutef et  Ben Bella. Techniquement, c’est Boutef qui a mis fin à la vie politique de Ben Bella. C’est, apparemment, lui qui a été derrière le coup d’état de 65 qui a envoyé Ben Bella en prison jusqu’à sa libération par Chadli. Interrogé sur ce coup d’état, Boutef avait, d’abord, refusé de l’appeler ainsi, imposant un nouveau terme à ce genre d’événement qui est le sien : le redressement révolutionnaire. Pour faire plus de mal à son président déchu, il parla de lui comme d’un insupportable dictateur et, comme pour mettre un peu de sel sur la plaie de Ben Bella, il déclara le 19 juin, un jour férié, comme si on venait de sortir un autre colon ou que l’Algérie ait eu sa deuxième indépendance. Aujourd’hui, Boutef et son cadavre politique Ben Bella se retrouvent pratiquement comme si de rien n’était à se parler et à se jeter publiquement des fleurs comme de vieux bons amis dont l’amitié a été malmenée par un ouragan politique. Mais passé l’ouragan, l’amitié, certes, diminuée, reste  suffisamment sereine  pour rattacher, via le souvenir, les 2 cœurs aux moments glorieux qu’ils avaient passés ensemble. C’est peut-être ça la façon de penser de 2 relativement  civilisés de Tlemcen qui savent mettre l’accent sur la beauté des fleurs que sur l’intransigeance des épines, sur les choses à gagner plutôt que sur les choses perdues, sur le point d’arrivée plutôt que sur le point de départ. Par rapport aux leaders de Tlemcen, les chefs kabyles sont beaucoup plus authentiques, ce qui est une qualité dans un monde qui engagerait l ‘amitié et la franche camaraderie, mais en politique c’est une autre paire de manches. Il faut se doter de cette aptitude à manier son sentiment et ses principes  dans le sens à faire avancer les choses. Si c’est quereller pour  quereller et patauger sur place ou reculer par rapport aux événements, ca n’arrange pas les affaires du peuple qui, lui, veut des dirigeants qui font avancer sa cause.

Au fait pourquoi Ait Ahmed a-t-il réussi à pardonner à Ben Bella contre lequel il avait pris les armes en 1963, et  dont on sait qu’il a été l’artisan principal de la dérive algérienne par son coup d’état de très bonne heure contre le GPRA , alors  qu’il n’arrive pas à se réconcilier avec les Kabyles du RCD , du Mak ou de ses antagonistes du FFS2 ? Ait Ahmed pardonne à Ben Bella, qui, lui-même pardonne à Boutef, qui lui-même pardonnera à ceux qui l’ont exilé pendant 20 ans au Qatar, ainsi va la politique et sa logique de l’épée de Damoclès. Tout politicien doit comprendre que la politique, il lui faut bien des dindons de la farce dans sa basse-cour. Et tout politicien qui n’est pas doté d’une intuition politique pour s’éviter les pièges tendus en permanence par des rivalités de toute espèce, va finir par être un de ces éléments de la basse- cour politique. On joue à ses risques et périls, autrement dit n’entre en politique que ceux qui savent jouer les jeux politiciens.  Si Ait Ahmed sait finalement pardonner pourquoi ne le ferait-il pas avec tous ses antagonistes kabyles  au grand bonheur de la Kabylie ?

L’obstination d’Ait Ahmed serait-elle un obstacle  à  la réconciliation Kabyle ? Au moment où on allait le soupçonner un peu plus, ne voila-t-il pas Ferhat qui jette un pavé dans la mare  en nous annonçant via  BRTV que le vieux Ait Ahmed est plus ouvert au dialogue  que son compagnon de longue date et de même génération, Saïd Sadi. Le RCD  se trouve ainsi dans le collimateur car, effectivement, la loi du nombre veut que 2 partis  kabyles qui se suivent le troisieme se met à l’infinitif. Loi du nombre n’ expliquant pas tout, on ne peut, donc, pas connaitre sans parti pris le degré de responsabilité de chacun de nos 3 dirigeants sur la non réalisation de la réconciliation Kabyle, mais par delà leur engagement et la sincérité de leur combat qu’il est difficile de leur nier, ils affichent à trois un manque de sens de leadership qui leur fait atteindre leur niveau d’incompétence politique.

On vous sent aujourd’hui, comme en panne de choses à dire. Ihfa wawal (le verbe est usé) comme disait Ait Menguellet. L’incapacité de nos 3 chefs  à reunir, chacun, plus de 1000 personnes pour un printemps berbère depuis longtemps present aux  coeurs  de tous les kabyles, est une preuve materielle pour un malheureux constat via les foules dispersées autour d’ un  leadership disparate. C’est le moment de passer à l’action et de saisir comme font tous les peuples du monde, les instances internationales, leur faire part de notre étouffement culturel par un pouvoir qui ne veut rien  savoir et qui fait tout pour nous décevoir en ne cessant de nos froisser dans nos sentiments berbères , en  nous privant idéologiquement de ce qui nous  revient naturellement de droit.

A titre de comparaison, le mouvement nationaliste algérien qui a commencé en 1926 avec l’Etoile Nord Africaine est parvenu à l’indépendance en 1962, soit,   au bout de 46 ans de lutte. La revendication berbère qui a commencé avec l’Algérie libre,  en 1963,  n’a, à ce jour, après 48 ans de combat identitaire, pas bougé de son point de départ et, ce, malgré les moyens de communications largement plus sophistiqués. Au contraire le terrain que nous avons perdu explique que notre détermination à exister nécessite plus d’ardeur et de nouvelles stratégies pour arriver à contrer les moyens classiques mis en œuvre par le pouvoir pour nous effacer de l’héritage de l’humanité. Dans son combat pour l’ eradication des systèmes de caste, Gandhi avait écrit dans sa lettre à son ami Nehru, que la situation est plus compliquée qu’elle n’en avait l’air et, qu’ elle exigeait d’eux  un peu plus qu’un simple effort intellectuel.

Nos chers leaders, de vos querelles berberobyzantines qui font de vous des homo kabilis, la Kabylie en souffre. Un certain auteur avait dit qu’un vrai politicien est celui qui est capable de transformer les ennemis qu’on tente de lui créer, en amis. Allez nos chefs, vous êtes de bonne famille, vous avez du courage, de la culture, il vous manque un peu de sagesse. Vous avez essayé la querelle et le dénigrement mutuel, ça n’a pas marché, essayez autre chose. Libérez la Kabylie que vous avez piégée dans le puits de potentiel de  vos interminables querelles. Le temps n’est plus au chêne mais au roseau. Aujourd’hui, si vous tenez à être effectifs, l’habileté que vous avez dû hériter de votre ancêtre lointain, l’homo habilis, vous devez la moderniser et la remettre dans son nouveau contexte historique.

Rachid C