mardi 4 décembre 2012

Monika Borgmann à DNA : « Said Mekbel, un homme d’une rare lucidité même face à sa mort » Mardi, 04 Décembre 2012, 20:17 | Farid Alilat


Monika Borgmann à DNA : « Said Mekbel, un homme d’une rare lucidité même face à sa mort »

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Alger, quartier d’Hussein-dey, samedi 3 décembre 1994. Said Mekbel, journaliste et directeur du quotidien Le Matin est abattu de deux balles dans la tête alors qu’il déjeunait dans un restaurant situé à quelques mètres du siège de son quotidien. Entre novembre et décembre 1993, une année avant son assassinat, Said Mekbel s’est longuement entretenu avec Monika Borgmann, journaliste et cinéaste allemande aujourd’hui installée au Liban.

Ces trois entretiens ont donné lieu en 2008 à un livre intitulé « Said Mekbel : une mort à la lettre ». DNA a recueilli le témoignage de Monika Borgmann. Elle raconte ses rencontres avec l’auteur du célèbre billet « Mesmar Djeha ».
Monika Borgmann : " En 1993, j’étais journaliste free-lance au Caire, en Egypte. Je travaillais notamment pour le compte d’une radio allemande. Je suis partie cette année-là en Algérie pour réaliser des reportages sur le thème de l’assassinat des journalistes et intellectuels algériens. Je voulais savoir et comprendre pourquoi  certains avaient décidé de fuir le pays pour s’exiler et pourquoi d’autres avaient fait le choix d’y rester.
On m’avait alors présenté, dans le cadre de ce travail et pour lequel j’avais interviewé de nombreux journalistes algériens, Said Mekbel, chroniqueur et directeur du quotidien Le Matin. Said Mekbel avait accepté de se confesser longuement et nous avions réalisé trois entretiens. Tous au siège de son journal.
J’ai également rencontré sa femme ainsi que sa belle-fille. Je garde encore aujourd’hui chez moi les enregistrements audio que j’avais réalisés avec Said Mekbel.
J’ai publié à l’époque un article sur les assassinats de journalistes et d’intellectuels algériens, mais je n’avais pas tout raconté de nos entretiens avec Said Mekbel. Notamment la théorie qu’il avait développée sur ces assassinats préparés et méthodiques. J’ai considéré que cette théorie lui appartenait.
Une année après notre rencontre, Said Mekbel est assassine le 3 décembre 1994. J’ai réalisé que j’avais entre les mains son testament. A l’époque, j’étais encore sous le choc de sa mort, tétanisée, incapable de réfléchir sur la manière dont il fallait exploiter ces témoignages recueillis auprès d’un homme d’une extrême lucidité même face à la mort.
Je n’ai pas eu l’occasion de publier ces entretiens d’abord parce que personne n’en voulait, ensuite parce que j’étais très prise par d’autres projets. J’ai bien sûr entrepris des démarches dans le but de les publier, mais le projet n’a pas abouti.
Il aboutira en 2008 avec la publication de ce livre aux éditions Dar Al-Jadeed au Liban, ainsi qu'aux Editions Téraède en France.
J’ai rencontré un homme qui m’a extrêmement touchée. Je le suis encore 19 ans après ces rencontres. Said Mekbel m’a touchée, émue et bouleversée par la clarté de ses idées. J’étais stupéfaite par sa capacité d’analyses. Il avait cette aptitude à décrire jusqu’au moindre détail les circonstances de son assassinat. Sa voix posée, douce, le rendait, le rend encore, plus touchant.
En publiant ce livre, je sentais que devais quelque chose à Said Mekbel.


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